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Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/352

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les jambes nues, dans ces eaux tièdes de toutes les fermentations d’un beau soir d’été. Ils avaient tous deux l’habitude de marcher dans ces sables où l’on enfonce jusqu’aux chevilles. Aussi atteignirent-ils bientôt le but de leur course. Quand ils eurent dépassé le houx de la Butte, le jour était haut encore, quoiqu’un mince croissant montrât déjà sa corne pâle dans un ciel foncé, qui devenait de plus en plus gros-bleu… Le varech, étendu devant les quelques maisons qui composaient le Bas-Hamet, exhalait l’odeur marine et forte qu’il conserve, quand le soleil l’a desséché. Avant d’entrer dans la cabane de dame Charline, ils entendirent la voix aigre de cette vénérable commère faire un insupportable dessus à d’autres voix, et le joyeux frémissement d’une friture, alors que le beurre, étendu et bouillonnant sur la poêle, attend le poisson qu’il va pénétrer. Charline Bas-Hamet était, en effet, assise devant un feu vif sur un escabeau. Elle apprêtait un souper pour quelques personnes, parmi lesquelles ils reconnurent le pêcheur Capelin. Une longue table, couverte d’une nappe et de pots d’étain, ornait cette espèce de cuisine, noire, enfumée, mais propre, car l’aire en était lavée et balayée plusieurs fois par jour. Jamais sorcière n’aima tant son balai que la Charline. Quand elle en avait bien joué, d’ici et de là, sur la terre de sa maison, elle