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Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 2.djvu/147

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sort de vos plaies, ô mon Sauveur ! Oh ! la chose terrible ! Cela ne s’était pas vu depuis bien longtemps ; cela va donc se revoir, des crucifix qui saignent ! Autrefois… dans les temps anciens… quand ils saignaient, on disait toujours que c’était contre quelque grand coupable qui se cachait… et que le sang irrité du Seigneur jaillissait contre lui pour dénoncer aux hommes sa présence… Mais qui est le coupable ici, ô Dieu que j’aime ! pour que votre sang jaillisse avec cette force contre moi ?…

Et elle reculait… Elle reculait devant ce sang qu’elle croyait voir, la tête toujours rejetée en arrière davantage, la bouche entr’ouverte dans la dure tension de l’extase, les pouces retournés, presque épileptique de terreur ! Néel, déchiré par cette voix qui n’était plus celle de Calixte, et qui pourtant sortait de Calixte, fit un mouvement pour l’éveiller de ce sommeil plein d’épouvante pour elle et d’épouvantement pour lui… Il avait peur que devant cette formidable vision dont elle était la victime elle ne tombât à la renverse et ne brisât sa tête aimée !

Mais l’abbé Méautis, monté à un diapason de force surhumaine par l’émotion et par ce qu’il entrevoyait au fond de ce poignant spectacle, prit le bras de Néel et lui dit avec une