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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/132

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1630. novembre.

des sceaux quy estoit mon particulier amy, lequel venoit ce jour là a Paris saluer les reines. Je le vis donc sur le soir, et luy ayant demandé sy j’estois bien ou mal a la court, il me dit qu'il ne s’estoit point apperceu qu'il y eut rien contre moy, mais que je ferois bien de m'aller presenter[1], ce que je fis le vendredy 15me, et estant entré a la chambre du roy, des qu’il me vit il dit, sy haut que je le peus entendre : « Il est arrivé apres la battaille », et en suitte me fit fort mauvaise chere. Je ne laissay point de faire bonne mine, comme s’il n’y eut rien eu. En fin le roy me dit qu’il seroit le lundy a Saint Germain et que j'y fisse trouver sa garde suisse. J’ouis en mesme temps que Saint Simon, premier escuier, dit a Mr le Comte : « Monsieur, ne le priés point a disner, ny moy aussy, et il s’en retournera comme il est venu. » L’insolence de ce petit punais me mit en colere dans le cœur ; mais je n’en fis pas semblant : car les rieurs n’estoint pas pour moy, et sy je ne sçay pourquoy. Neammoins Mr le Comte me dit : « Sy vous voulés disner, j'ay trois ou quattre plats là haut, que nous mangerons. » Je luy respondis : « Monsieur, je donne aujourdhuy a disner a Challiot a Mr de Crequy, de Saint Luc, et au comte de Saut, quy my attendent : je vous en rends tres humbles graces. » Sur cela monsieur le cardinal arriva quy me fit le froid et me parla assés indifferemment, puis entra dans le cabinet avec le roy. Je me mis a parler avec Mr le Comte, et en mesme temps Armaignac[2] me vint dire de la part

  1. Ce jour-là le president le Jay fut fait premier president.
    (Addition de l’auteur)
  2. Jean d'Armaignac, un des premiers valets de chambre du roi.