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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/17

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journal de ma vie.

respondit que nous ne venions point en gens quy voulussent passer en amis, et que, cela estant, ils se mettroint en sy bon estat de nous en empescher que, sy nous le voulions entreprendre, nous n’y gaignerions que des coups.

Apres que Comminges nous eut rapporté cette response, j'allay (parce que j’estois en jour de commander), trouver le roy quy estoit cent pas derriere nos enfans perdus, plus avancé que le gros des cinq cens hommes des gardes, pour luy demander congé de commencer la feste et luy dis : « Sire, Sire, l’assemblée est preste, les violons sont entrés, et les masques sont a la porte : quand il plaira a Vostre Majesté, nous danserons le ballet. » Il s’approcha de moy et me dit en colere : « Sçavés vous bien que nous n’avons que cinq livres de plomb dans le parc de l'artiglerie ? » Je luy dis : « Il est bien temps maintenant de penser a cela ! Faut il que pour un des masques quy n’est pas prest, le ballet ne se danse pas ? Laissés nous faire, Sire, et tout ira bien. » « M’en respondés vous ? » me dit il. « Ce seroit temerairement fait a moy, luy respondis je, de cautionner une chose sy douteuse : bien vous respons je que nous en viendrons a bout a nostre honneur , ou j'y seray mort ou pris. » « Ouy, mais, dit il, sy nous manquons, je le vous reprocheray. » « Que me sçauriés vous dire autre chose, luy repartis je, sy nous manquions, que de m’appeller marquis d’Ucelles ? (car il avoit failly de passer a Saint Pierre)[1] ; mais je me garderay

  1. Sampeyre, ville de la province de Coni, sur la Varaita. — L'année précédente le marquis d’Uxelles avait rassemblé une