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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/9

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journal de ma vie.

Mais apres que le roy luy eut donné cette charge, il s'imagina que la gloire que monsieur son frere iroit acquerir en cette expedition seroit au ravalement de la sienne (tant a de pouvoir la jalousie entre les proches), et se mit tellement cela en la teste (ou pour dire autrement, dans le cœur), qu’il ne pouvoit reposer. Il vint le 3me de janvier a Challiot ou de fortune j’estois venu trouver monsieur le cardinal quy y demeuroit lors, et s’estant enfermé avec luy, commença par luy dire qu’il ne sçauroit souffrir que son frere allat commander son armée dela les monts, et qu'il fit en sorte que cet employ se rompit. Il[1] luy respondit qu’il ne sçavoit qu’un seul moyen de le rompre, quy estoit qu’il y allat luy mesme, et que, s’il prenoit ce party, il falloit qu'il partit dans huit jours au plus tard, a quoy le roy s’offrit franchement, et en mesme temps se tourna et m'appella, quy estois au bout de la chambre ; puis quand je fus approché, il dit : « Et voycy quy y viendra avec moy et m'y servira bien. » Je luy demanday où ; il me dit: « En Italie ou je m'en vas dans huit jours faire lever le siege de Casal. Apprestés vous pour partir et m’y servir de lieutenant general sous mon frere (s’il y veut venir) : je prendray avec vous le mareschal de Crequy quy connoit ce pais là, et j'espere que nous ferons parler de nous. » Sur cela le roy revint a Paris, dit sa resolution a la reine sa mere, et elle a Monsieur, quy n’en fat gueres content. Neammoins il n’en fit pas semblant et s’appresta pour partir. Mais le roy s’en alla le premier et nous donna rendés vous a Grenoble.

  1. Il, le cardinal.