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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/158

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à l’Amiral par un cacique dont nous aurons bientôt et plus d’une fois à parler.

Bien que de telles offrandes fussent loin de répondre aux riches merveilles racontées par Marco Polo, l’Amiral était de plus ravi de la générosité, de la bonté, de l’intelligence des naturels et de leurs chefs. Il n’allait pas tarder à en recevoir de nouvelles marques, dans une des situations les plus graves où jamais homme de mer se soit trouvé.

Persuadé par de nouveaux rapports qu’il était près de Civaö, il s’était lancé à la recherche de cet Ophir imaginaire, à travers une mer pleine de récifs et de bancs de sable, où rien ne répondait à son attente, mais qu’il avait fait explorer avec sa vigilance et sa ponctualité ordinaires. Mouillé dans une rade des plus sûres, après trente-six heures sans sommeil, aucun danger n’étant à craindre sur des eaux calmes « comme une jatte », il s’était enfin décidé à prendre un peu de repos. L’équipage, exténué, en avait fait autant, et le timonier laissé à la barre n’avait pas tardé lui-même à la confier à un novice, lorsque, tout à coup, ce dernier se mit à pousser des cris déchirants.

Colomb était déjà à ses côtés, ayant senti le premier de tous que le navire avait touché, et commandant à ses hommes réveillés en sursaut les manœuvres de sauvetage. Le canot de poupe venait d’être mis en mer avec une ancre de dégagement, et déjà le grand mit s’inclinait sous les haches qui devaient l’abattre en vue d’alléger le navire, lorsque les hommes du canot s’étant éloignés à force de rames au lieu de faire leur devoir, la manœuvre manqua, et le navire, abandonné par la marée, pencha de plus