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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/159

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en plus, sans qu’il fût désormais possible de le relever. Il échoua enfin, mais heureusement sans se briser, grâce à la faiblesse des lames, et Colomb n’eut plus qu’a faire transborder son équipage sur la Niña, qui lui avait renvoyé les marins fugitifs avec toutes ses propres embarcations.

Cette opération terminée, l’infatigable Amiral, ayant fait mettre en panne pour attendre le jour, revint à bord du navire échoué, pour mesurer l’étendue du désastre, et aviser aux moyens de le réparer ou du moins de le restreindre. Ayant reconnu avec douleur que ce dernier parti était le seul praticable, il envoya immédiatement à terre deux hommes de confiance, chargés de demander aide au jeune cacique dont nous avons déjà parlé plus haut.

C’est alors qu’apparut dans tout son jour l’humanité, la charité, disons le mot, de cette race d’hommes que la nôtre a payée d’une si noire ingratitude.

Tandis que sur tout le littoral de l’ancien monde, l’infâme droit d’épaves était encore universellement reconnu, et généralement exercé — à peine est-il aboli de nos jours — ailleurs, des hommes sans lois écrites, des idolâtres, des sauvages, comme les appelait un Matheos ou un Pinzon, ne se contentaient pas d’arracher aux embûches de l’Océan la vie et les richesses d’hommes étrangers à leur sol, et dont ils avaient déjà pénétré la cupidité et les vices ; ils recueillaient, ils assistaient ces futurs exterminateurs de leur race ; ils les plaignaient, ils versaient des larmes sur eux.

Dès la pointe du jour, leur chef accourait tout éploré avec ses deux frères. Il mettait à la disposition de Colomb de grands canots