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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/160

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et les bras de tous ses sujets, pour lui aider à décharger le navire échoué. Lui-même, il présidait à ces travaux, consolait de son mieux l’Amiral, lui répétant sans cesse que tout ce qu’il possédait était à sa discrétion. Enfin, précaution bien inutile, il établissait des gardes armés pour surveiller le sauvetage, et, chose merveilleuse, des mille objets qui furent débarqués, et passèrent plusieurs nuits à ciel ouvert, de ces objets dont les moindres, un clou, une aiguille, une bague de laiton, étaient convoités avec frénésie par ce peuple de grands enfants, pas un seul ne fut détourné.

Dans cette même nuit, peut-être, à cette même heure, en face, sur les côtes de notre Europe, un navire en perdition courait se briser sur des récifs où l’avait attiré un feu de bruyère — un phare trompeur, abomination ! — et aussitôt, dévalant de la falaise, avec des cris féroces, une horde de civilisés, de chrétiens, hommes, femmes, enfants, armés de crocs, de grappins, de fourches, achevait l’œuvre de la mer, lui disputait, lui arrachait les débris du navire, et repoussait les naufragés loin de ce rivage où ils avaient cru voir briller l’étoile du salut.

Colomb avait peut-être ce contraste présent à l’esprit, lorsqu’il écrivait à ses souverains : « Ces hommes sont aimants, nullement avides, et si propres à tout, que je ne pense pas qu’il y ait au monde meilleures gens. Leur parler est le plus doux et le plus affable qu’on puisse entendre, et toujours accompagné d’un sourire bienveillant. On peut dire d’eux qu’ils aiment leur prochain comme eux-mêmes. »