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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/216

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dut laisser à Colomb une impression d’une fraîcheur, d’une suavité ineffables.

Des scènes d’un autre autre ordre ravirent dans les mêmes parages cet enthousiaste contemplateur de la nature.

Tantôt l’horizon était envahi par des nuées de papillons aux couleurs éclatantes, ou sillonné d’immenses légions d’oiseaux marins ; tantôt la teinte de la mer passait subitement du blanc le plus vif, le plus radieux, au noir le plus intense, et à peine avait-elle repris sa limpidité, qu’elle disparaissait sous des myriades de tortues accomplissant leurs migrations périodiques vers les plages brûlantes, dont le sable allait recevoir et couver leurs œufs. Telle était la force d’impulsion de ces masses flottantes que la marche des navires en fut plus d’une fois ralentie.

De plus sérieux obstacles retardèrent le retour de Colomb à Saint-Domingue, et quand il eut enfin ajouté à ses découvertes le cap le plus oriental de cette île, après avoir lutté près d’un mois contre des tempêtes quotidiennes, il tomba comme foudroyé au moment même où il s’apprêtait à forcer les repaires des Caraïbes.

L’étrange mal qui paralysa à la fois son corps et son âme paraît avoir été une sorte de catalepsie, que le docteur Chanca attribue à des veilles trop réitérées. Il ajoute que ses compagnons prirent le parti de le transporter, « comme demi-mort, à la cité d’Isabelle ».

Mais cette défection d’un corps trop longtemps surmené par une volonté infatigable ne devait être que passagère. Elle n’en durait pas moins depuis cinq longs jours et autant de nuits, lorsque, au milieu des limbes où flottait la pensée du malade, s’ébaucha en lui la perception d’un lieu distinct et d’une voie connue et