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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/260

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ragés, à ce qu’ils prétendaient, mais en réalité gorgés d’or à leur suffisance.

On ne manqua pas de se railler de la prédiction, et tandis que Colomb gagnait à force de voiles un petit port qu’il appela le Port-Caché, la flotte appareillait par un temps des plus favorables.

Deux jours après elle était jetée à la côte et il n’en réchappait qu’un seul navire, le plus frêle, et justement celui qui emportait et put déposer en Espagne toute la petite fortune des Colomb.

L’Amiral n’apprit que plus tard ce détail ; il ignorait même la perte de la flotte, lorsqu’à grand peine il put rallier ses propres navires, ayant beaucoup souffert de la tempête dans un abri insuffisant, et cela quand l’Isabelle eût pu lui offrir un refuge ! « Quel homme, écrit-il dans sa lettre aux rois, quel homme en comptant Job lui-même, fut jamais plus malheureux que moi ! Ces mêmes ports que j’avais découverts au péril de ma vie, on m’y refusa, en ces douloureuses circonstances un refuge contre la mort qui nous menaçait, moi, mes amis, mon frère, mon jeune fils. »

Sa tendresse pour ce dernier était réservée à des épreuves bien plus cruelles, mais aussi à la joie virile de trouver un homme chez cet enfant.

Entraîné vers la côte méridionale de Cuba, par ce même courant équatorial qu’il avait découvert à son précédent voyage, puis rejeté au large par une série de tempêtes, pendant quatre-vingts jours ses yeux ne virent ni le soleil, ni les étoiles ; ses vaisseaux étaient entr’ouverts, ses voiles emportées en lambeaux ; cordages, agrès, chaloupes, tout était perdu ; ses meilleurs matelots malades consternés, se confessaient les uns aux autres ; les plus intrépides