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Page:Belloy - Christophe Colomb et la decouverte du Nouveau Monde, 1889.djvu/87

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La junte, rassemblée de nouveau et en toute hâte, ne traita pas aussi dédaigneusement que par le passé un homme si ouvertement protégé par la reine ; mais, forte du peu de créance qu’il avait jusque-là trouvé chez le roi, elle rejeta avec hauteur les conditions que Colomb avait cru devoir stipuler pour lui-même en cas de réussite.

Malgré les apparences favorables qui l’avaient accueilli à son retour, semblable à ce ministre qui, même au plus fort de sa faveur, avait toujours conservé en secret son premier costume et sa houlette de berger, Colomb avait gardé sa mule. Il l’enfourcha tristement, et, sans avoir proféré une plainte, ni prévenu personne de son départ, il se rendit d’abord à Cordoue, où l’appelaient ses affections les plus chères et de suprêmes arrangements de famille, revint, encore une fois, mais secrètement à Grenade, où rien n’avait changé pour lui, et prit enfin la route de France, disant, en son cœur, un éternel adieu à l’Espagne. Il ne comptait plus sur Isabelle.

Il avait tort.

Il n’était pas, en effet, à deux lieues de Grenade, prêt à engager sa monture sur le pont de Pinos, qu’un brillant officier des gardes accourut à toute bride, s’arrêta devant lui comme pour lui disputer le passage, puis, aussitôt, mettant pied à terre et se découvrant avec respect, ce messager royal lui remit un pli scellé aux armes d’Aragon et Castille.

Colomb, suivant une version plus probable qu’autorisée, se défendit d’abord de prendre même connaissance d’une missive qui ne pouvait plus désormais changer en rien sa résolution. Mais,