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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/345

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en avait brossé la toile de fond, une place publique de répertoire avec l’habitation de Géronte.

Cette toile de fond avait été, après la fête, roulée sur son bâton de traverse et jetée dans un coin, à la cave, où les rats l’avaient probablement déchiquetée et mangée, car il n’en restait pas trace. Et le chagrin du marchand de tableaux fut immense, mais bien plus comique encore, car cet expert était de ceux qui, en cette même année 1866, dirigeaient à l’hôtel Drouot le chœur des gorges chaudes contre l’auteur de La Guerre et la Paix.

— Pourquoi, lui disais-je, à la vente de Gautier, n’avez-vous pas disputé la Magdalena au prince Stirbey ?

— Ah ! si j’avais su !

— Quoi ? fis-je.

Et, en effet, que pouvait-il savoir ? Est-ce qu’on sait, dans ce négoce, où l’écriteau devrait être : « À la mort ! »

Puvis de Chavannes fut, jusqu’à la dernière heure, le plus fidèle des fervents du maître. Il ne se passait pas un jour qu’il ne vînt prendre de ses nouvelles, car il l’avait en adoration perpétuelle. Il arrivait de bon matin, de la place Pigalle, où il avait son petit atelier, se glissait par la porte de la salle à manger, s’y asseyait et attendait que l’on fût réveillé pour savoir, de l’un ou de l’autre, comment Théo avait passé la nuit ? Je l’ai trouvé là bien souvent, la chatte Éponine sur les genoux, et en train de peler la rave dont il faisait son déjeuner ascétique du matin, le seul repas qu’il prît jusqu’au dîner du soir, car il travaillait à jeun, et non autrement, comme fra Angelico et les moines peintres de la Renaissance.