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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/173

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pour ces morceaux-là certains auditeurs sont sourds. Bien plus, n’entendant point ce qui y surabonde, ils croient souvent entendre ce qui n’y est pas.

Pour l’un d’eux, le thème d’un adagio était vague et couvert par les accompagnements :

« — Aimez-vous ce chant ? lui dis-je un jour, après avoir chanté une longue phrase mélodique lente.

— Oh ! c’est délicieux, et d’une netteté de contours parfaite ; à la bonne heure.

— Tenez, voilà la partition ; reconnaissez l’adagio dont vous avez trouvé le thème vague, et tâchez de vous convaincre par vos yeux que les accompagnements ne sauraient le couvrir, puisqu’il est exposé sans accompagnement. »

Un autre, reprochant à l’auteur d’une romance d’en avoir gâté la mélodie par une modulation intempestive, rude, dure et mal préparée.

« — Parbleu ! répliqua le compositeur, vous me feriez plaisir en m’indiquant cette malencontreuse modulation ; voici le morceau, cherchez-la. »

L’amateur eut beau chercher et ne trouva rien ; le morceau est en mi bémol d’un bout à l’autre, il ne module pas.

Je ne cite là que des idées erronées, produites par des impressions fausses, chez des auditeurs impartiaux, bienveillants même, et désireux d’aimer et d’admirer ce qu’ils écoutent. On juge de ce que peuvent être les aberrations, les hallucinations des gens prévenus, haineux, à idées fixes. Si l’on faisait entendre à ces gens-là