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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/209

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de Saint-Roch, le jour de l’exécution de ma première messe solennelle. Après un O Salutaris très-simple sous tous les rapports, Mme Lebrun vint me serrer la main et me dit avec un accent pénétré : « F…, mon cher enfant, voilà un O Salutaris qui n’est point piqué des vers, et je défie tous ces petits b… des classes de contrepoint du Conservatoire d’écrire un morceau aussi bien ficelé et aussi crânement religieux. » C’était un suffrage, l’opinion de Mme Lebrun étant alors fort redoutée. Et comme elle descendait bien du ciel sous les traits de Diane, au dénoûment d’Iphigénie en Aulide et à celui d’Iphigénie en Tauride ! car, dans les deux chefs-d’œuvre de Gluck, l’action se dénoue par l’intervention de Diane. Je l’entends encore dire avec une majestueuse lenteur et d’une voix un peu virile :

Scythes, aux mains des Grecs remettez mes images ;

Vous avez trop longtemps, dans ces climats sauvages,

Vous avDéshonoré mon culte et mes autels.

Elle était si bien assise dans sa gloire, avec son carquois de carton sur l’épaule gauche ! Elle lisait la musique à première vue sur une partition renversée, elle accompagnait sur le piano les airs les plus compliqués, elle eût au besoin conduit un orchestre, enfin elle passait pour avoir composé la musique du Rossignol. Elle n’avait qu’un défaut, celui de ressembler un peu trop, dans les dernières années de sa vie surtout, à l’une des trois sœurs du destin de Macbeth. Eh bien ! Mme Le-