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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/268

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letons du Courrier français ? Que de bonnes folies vous avez imprimées sur mes tendances et mes extravagances ! Je vous envie les heureux moments que vous avez dû passer à me fustiger de la sorte ; car cela doit être vraiment délicieux de flageller ainsi quelqu’un sans colère, de sang-froid, en riant, pour faire un simple exercice d’esprit. Ce n’est pas que votre esprit ait jamais eu besoin de beaucoup d’exercice ; il n’était que trop ingambe, trop alerte, trop délié et trop bien aiguisé, il m’en souvient. Vous m’inspiriez, je l’avoue, une inquiétude extrême ; et je me trouvai fort mal à l’aise le soir où notre ami Schlesinger, avec son aplomb ordinaire, me présenta à vous au bal masqué de l’Opéra. L’occasion d’ailleurs était étrangement choisie, car nous étions venus tous les trois pour assister à la charge de ma personne et de ma symphonie fantastique, qui allait être faite en forme d’intermède musical par Arnal et Adam. Ce dernier avait écrit une symphonie grotesque dans laquelle il faisait la caricature de mon instrumentation, et Arnal me représentait, moi, l’auteur de l’œuvre, la faisant répéter. J’adressais aux musiciens une allocution sur la puissance expressive de la musique, et je démontrais que l’orchestre peut tout exprimer, tout dire, tout enseigner, même l’art de mettre sa cravate.

C’est M. Véron, alors directeur de l’Opéra, qui avait eu l’idée de ce divertissement. Il m’a plus tard fait chaudement louer dans le Constitutionnel. Le remords le dévorait…