Aller au contenu

Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
AUX MONTAGNES ROCHEUSES

quinzième fois) que je partirai demain. Le froid est moins vif, le ciel plus bleu que jamais ; la neige s’évapore, et un chasseur qui nous a rejoints aujourd’hui dit qu’il n’y a pas sur la route de monceaux de neige qu’on ne puisse traverser.

Longmount, Colorado, 20 octobre.

J’ai quitté « la vallée de l’île d’Avillon », mais m’arracherai-je définitivement à sa liberté et à ses enchantements ? Je vois se dresser dans la nuit le pic neigeux de Long ; je connais la magnificence du creux d’azur qui est à sa base et je soupire après lui. Nous devions partir à huit heures, mais les chevaux étaient perdus, et nous ne nous sommes mis en route qu’à neuf heures et demie ; nous, c’est-à-dire le jeune Français du Canada et moi. Je monte un poney indien bai : Birdie, belle petite jument aux jambes de fer, vive, dure à la fatigue, douce et sage ; ayant derrière ma selle des bagages pour quelques semaines, y compris une robe de soie noire, je vais être assez indépendante. Notre course a été splendide. Nous avons traversé des barrières de rochers, des gorges où une neige qui n’a pas connu le soleil s’étendait épaisse sous les trembles couleur de citron ; et puis, nous avons eu des aperçus lointains de géants couverts de neige, se dressant sur le ciel d’un bleu triste et profond. Nous avons lunché sur les « Foot-Hills », dans une cabin où deux frères et leur domestique ont un ménage de garçon, dans lequel tout était si bien tenu, si propre, si joli, que l’absence d’une femme ne se faisait point sentir. Le pont de bois étant rompu, nous avons passé un barrage profond sur une étroite