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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/209

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

derrière s’ouvrait, assombri, par les pins et glacé par les neiges, le dernier grand canyon des montagnes. Je quittai le chemin et coupai court à travers la prairie jusqu’à Denver, en traversant un campement d’environ cinq cents Indiens Ute : sale ramas de huttes, de ponies, d’hommes, de squaws, d’enfants, de peaux, d’os et de viande crue.

Les Américains ne résoudront jamais le problème indien que par l’extinction de la race indienne. Ils l’ont traitée de manière à rendre plus intenses sa malice et sa perfidie comme ennemie, et, comme amie, l’ont réduite à un paupérisme honteux, dépourvu des premiers éléments de la civilisation. La seule différence entre l’Indien sauvage et l’Indien civilisé consiste en ce que le dernier se sert d’armes à feu et se grise avec du whisky. L’agence indienne n’a été qu’une sentine de fraude et de corruption. Ceux pour lesquels des allocations ont été votées en reçoivent, dit-on, à peine 30 pour 100, et les plaintes au sujet des couvertures en loques, de la farine avariée et des armes à feu sans valeur sont universelles. « Se débarrasser des Injuns » est la phrase consacrée. Leurs « réserves » n’échappent même pas à la saisie, car si l’on y découvre de l’or, on les envahit et leurs possesseurs sont, ou forcés d’accepter un terrain plus à l’ouest, ou bien on les chasse et on les tue. L’un des agents les plus sûrs de leur destruction est le whisky vitriolisé. On a récemment essayé de nettoyer les étables d’Augias de l’« Indian Department », mais avec un insuccès complet, résultat habituel en Amérique de tout effort pour purifier l’atmosphère officielle. Les Amé-