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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/30

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VOYAGE D’UNE FEMME

s’amoncelaient au-dessus d’eux, brillant d’une lumière ambrée. L’ombre s’obscurcit ; il tombait une forte rosée, des odeurs aromatiques flottaient dans l’air, et les grands pics brillaient toujours d’une vive lumière, jusqu’au moment où, en une seconde, elle s’évanouit, les laissant de la pâleur cendrée d’un visage mort. Il faisait froid et sombre à l’ombre des montagnes ; le frisson glacial des hauteurs m’enveloppait, la solitude était écrasante ; mais c’est à contre-cœur que je ramenai mon cheval vers Truckee, me retournant souvent pour regarder les sommets cendrés dans leur charme surnaturel. Vers l’est, l’aspect du paysage changeait incessamment, tandis que le lac resta longtemps « une nappe polie d’or vif ». Truckee était complètement hors de vue dans un creux rempli de laque et de cobalt. Peu de temps après, commença un carnaval de couleurs que je ne puis décrire que comme délirant ; enivrant comme une joie trop grande, une angoisse tendre, un désir indescriptible, une musique surnaturelle riche d’amour et d’adoration. Il dura beaucoup plus d’une heure, et, quoique la route devint très-noire et que le train qui devait m’emmener fût en train de gravir rapidement les sierras, je ne pouvais aller qu’au pas.

Les montagnes de l’est, grises tout à l’heure, se colorèrent d’un rose pâle qui devint rose, puis rouge ; elles perdirent alors toute apparence de solidité, et devinrent claires et pures comme une améthyste, tandis qu’au-dessous, toutes les chaînes ondulées et les cimes revêtues de pins prenaient aussi un aspect éthéré, mais d’un bleu magnifique et sombre, et qu’un effet étrange de l’atmosphère fondait le tout en un tableau parfait.