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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/106

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épreuves de la vie ? Vous pourriez me répondre que nos situations ne sont pas pareilles et que j’aurai souvent besoin de votre appui, tandis que vous qui êtes heureux et riche…

— Beaucoup moins que vous ne pensez, mademoiselle, interrompit Bécherel, dont la défiance s’éveillait déjà. J’ai en ce moment de graves soucis et je viens de perdre un emploi dont je vivais.

— Ah ! mon Dieu, s’écria la jeune fille ; et moi qui vous ai appelé pour vous parler de l’embarras où je me trouve ! Je vous en supplie, ne vous occupez pas de moi… je saurai me tirer d’affaires toute seule… songez à vous, monsieur, et oubliez que je suis dans la peine.

Ce fut dit avec un élan spontané et un accent de sincérité tels que Robert chassa le soupçon qui lui était venu à l’esprit. Elle lui avait dit : vous êtes riche et il avait pris cette fin de phrase pour le préambule d’un appel à sa bourse. Il regrettait déjà d’avoir eu cette mauvaise pensée, mais il n’en revenait pas d’entendre une toute jeune fille s’expliquer avec tant de sang-froid et une si complète netteté de langage et d’idées, dans une occasion si particulièrement délicate.

— Oh ! dit-il gaiement, je ne suis pas bien malheureux et mes soucis ne sont rien en comparaison des vôtres. Ma mère a de la fortune, et je…

— Votre mère !… oh !… monsieur, pensez à elle, d’abord… et, si vous êtes affligé, allez la rejoindre bien vite. Si j’en avais une, c’est près d’elle que je me réfugierais.

— Oui… je sais que vous êtes orpheline…

— Qui vous l’a dit ?