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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/112

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Rennes est assez loin de la mer. On vous y avait donc amenée ?

— Oui… mais comment ? je l’ignore. On m’y a ramassée, un matin, en été, au fond de la promenade du Thabor, où j’avais passé la nuit, couchée sur un banc. Je ne parlais pas encore distinctement et cependant je paraissais avoir au moins quatre ans. On crut d’abord que j’étais idiote. Je n’avais sur moi aucun papier ni aucune marque ; mais j’étais bien habillée et je portais du linge très fin qu’on avait pris la précaution de démarquer. On en conclut que mes parents étaient riches et qu’ils avaient fait exprès de me perdre.

— On aurait dû essayer de les retrouver, ces parents barbares, s’écria Robert.

— On n’y a pas manqué, mais les recherches n’ont abouti à rien. Je fus conduite dans une maison où on élevait, par charité, des orphelines et on m’y apprit à parler d’abord… puis à lire, à écrire, à coudre, à broder. Je serais devenue très vite une habile ouvrière, mais la directrice s’aperçut bientôt que j’avais des dispositions pour la musique et une jolie voix. On me fit chanter à l’église où nous suivions les offices. Le bruit se répandit dans la ville que l’une des pensionnaires de l’orphelinat était un petit prodige. La supérieure du couvent de la Visitation vint m’entendre. Elle offrit de se charger de moi et j’entrai très volontiers dans la communauté qui recevait des jeunes filles sans fortune, destinées à se faire religieuses. La règle n’était pas très sévère. J’ai passé là les plus heureuses années de ma vie.

— Pourquoi donc êtes-vous sortie de ce couvent ?