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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/173

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mots salés, de phrases à double entente et de couplets tout pleins de sous-entendus qu’il faut détailler d’une certaine façon pour forcer les applaudissements. As-tu entendu Judic chanter l’air de la Timbale !… encore un qui ne l’aura pas !… On se pâmait dans la salle… Eh bien, crois-tu que Violette soit en état d’en faire autant ?

— Pas encore… mais pourquoi n’y arriverait-elle pas ?

— Rien ne s’y oppose. Elle a bien assez de finesse pour s’assimiler promptement cet art de faire valoir les nuances égrillardes. Et si tu ne vois aucun inconvénient à ce qu’elle fasse des progrès dans ce genre-là…

— J’aimerais mieux qu’elle en cultivât un autre… et qu’elle débutât ailleurs qu’aux Fantaisies ; mais la pauvre enfant n’a pas le choix. Et puis, qui veut la fin veut les moyens. Combien d’artistes qui brillent aujourd’hui dans les grands théâtres ont chanté d’abord sur des scènes infimes… on en cite qui ont commencé par les tréteaux d’un café-concert.

— C’est très juste et je m’aperçois que tu es plus raisonnable que je ne pensais. Alors, tu ne seras pas jaloux ?

— Comment ?… jaloux ?

— Mais, oui. Tu aimes Violette et tu l’aimeras encore davantage, car elle en vaut la peine. Et, comme tous tes pareils, tu seras tous les soirs dans la salle avant le lever du rideau. Je te vois d’ici, au premier rang des fauteuils d’orchestre, épiant une œillade à ton adresse et te gargarisant avec les vocalises de ton adorée.