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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/177

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ce singulier professeur de morale regretter que le fils de son ami eût dégénéré sous ce rapport, mais cette façon d’envisager l’existence et d’excuser les viveurs d’autrefois ne l’enhardit point à confier au colonel le secret qu’il croyait avoir découvert, encore moins à lui parler de la guerre qu’il allait déclarer à Marcandier, à propos d’une pomme et de trois mots peu lisibles, tracés sur un papier sale.

Elle était dans sa poche avec l’enveloppe, cette fameuse pomme et elle y resta jusqu’à une meilleure occasion.

Le déjeuner s’acheva sans autre incident. Robert, tout à la joie que lui causait le succès présumé de Violette, parla fort peu : mais le colonel, mis en belle humeur par la présence du fils de son ancien ami, se lança dans des digressions amusantes sur la vie parisienne et sur les femmes, de sortes que son jeune convive ne s’ennuya pas du tout.

Deux heures se passèrent à deviser, comme dit Coconnas dans la Reine Margot, de faits de guerre et d’amour, car M. de Mornac, après avoir évoqué le souvenir de ses adorées d’autrefois, en vint à raconter ses campagnes d’Afrique et de l’armée du Rhin.

Et la causerie, entretenue par d’excellents cigares, n’était pas près de finir, lorsque le valet de chambre entra pour annoncer, sur un ton discret, la visite d’une dame.

Robert ne fut pas fâché de profiter de l’occasion pour prendre congé. Il n’avait pas oublié que Violette l’attendait chez elle, et il lui tardait de la voir, pour une foule de raisons.

— Va, mon fils, lui dit le colonel, en lui serrant