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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/27

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d’économies et, qu’au pis aller, il en serait quitte pour prendre mille francs sur ses fonds personnels si Gustave ne lui remboursait pas la somme.

— Voici le billet de mille, dit-il en le détachant de la liasse qu’il avait dans son portefeuille. Je ne doute pas de ta parole et je compte absolument sur toi pour demain matin.

— À la bonne heure ! je retrouve mon Bécherel du 24e dragons. Et pour te prouver que je ne t’en veux pas de ton hésitation, je te mets de moitié dans mon jeu. Je me sens en veine et tu toucheras avant la fin de la soirée un joli dividende.

— Soit ! j’accepte l’association, jusqu’à concurrence de…

Robert n’acheva pas sa phrase. Quelqu’un venait de lui frapper sur l’épaule et il se retourna pour voir celui qui l’abordait si familièrement.

Gustave saisit le moment et se précipita vers la table de jeu, en brandissant le billet de mille, et en criant :

— C’est à moi d’entrer. Je réclame mon tour.

Robert se trouva face à face avec un monsieur d’une cinquantaine d’années, grand, sec, droit comme un peuplier et portant à la boutonnière de son habit la rosette d’officier de la Légion d’honneur.

— Vous ici, mon colonel ! murmura Bécherel.

Et il baissa le nez comme un écolier pris en faute.

— Moi-même, mon garçon, répondit le nouveau venu en retroussant sa moustache grisonnante. Ça t’étonne de m’y voir. Eh bien, ça prouve que tu n’y avais pas encore mis les pieds, car j’y viens assez