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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/28

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souvent, et je ne m’en cache pas. Je ne suis pas marié, j’ai quarante mille francs de rente, et depuis que j’ai quitté l’armée, je suis libre comme l’air. Aussi, je vais dans tous les mondes, même dans le demi. Mais toi, que cherches-tu, chez cette chère comtesse ?

— Rien du tout. Un ami que j’ai rencontré ce soir m’y a amené…

— Ce gros blond qui vient de t’emprunter un billet de mille. C’est un des familiers de la maison. D’où diable le connais-tu ?

— Nous étions ensemble au régiment.

— Comme volontaires d’un an. Et tu t’es empressé de redevenir pékin, au bout de ton année. Si ton père avait voulu m’écouter, tu te serais engagé et maintenant tu serais sur le point de passer officier.

— Je n’aurais pas mieux demandé que de rester au service ; mais pendant que je faisais mon volontariat, ma mère est devenue veuve, vous le savez…

— Et elle t’a rappelé auprès d’elle. La voilà bien avancée ! tu habites Paris et elle est restée à Rennes. Enfin !… tu as une bonne place, à ce qu’on m’a dit là-bas, quand je suis allé en Bretagne, l’été dernier. Et puis, il vous reste du bien. Ton père n’a pas tout mangé. Pourquoi n’es-tu jamais venu me voir, depuis que tu habites Paris ?

— Je vous demande pardon, mon colonel. Je ne savais pas votre adresse.

— Pitoyable excuse, mon petit. On te l’aurait donnée au ministère de la guerre, si tu avais pris la peine d’y passer. Et d’ailleurs, je suis connu comme le loup blanc. Tu n’avais qu’à écrire à M. Louis de Mornac, lieu-