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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/284

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d’un des problèmes qui, depuis trois semaines, lui trottaient dans la cervelle. Et ce ne fut pas sans une certaine émotion qu’il fendit l’enveloppe.

Il déplia vivement le papier plié en quatre et une particularité lui sauta aux yeux tout d’abord. Aucune appellation comme « monsieur » ou « mon cher ami » ne se détachait en vedette, et aucune signature n’apparaissait au-dessous des huit ou dix lignes qui remplissaient la moitié de la page. Ses pressentiments ne l’avaient pas trompé : c’était bien une lettre anonyme et elle disait ceci :

« Violette est une jolie fille et M. de Mornac est un habile homme. Ils s’entendent à merveille pour vous berner. Très rouée, cette petite ! Très malin ce colonel ! Il est son amant depuis quinze jours et naturellement il lui veut du bien, mais il n’a pas la moindre envie de l’épouser. Il lui fallait un nigaud qui s’amourachât de la belle au point de la prendre en légitime mariage. Il l’a trouvé. Vous êtes un beau parti pour cette bâtarde et M. de Mornac est votre meilleur ami. Mariez-vous vite. Vous ferez ménage à trois et vous serez… le plus heureux des trois. Pas ce soir, par exemple. Ce soir, après le spectacle, le mauvais rôle sera pour vous. »

Peu s’en fallut que la lettre ne tombât des mains de Bécherel, et quand il leva les yeux, après l’avoir lue jusqu’au bout, il montra un visage si décomposé, que Jeannic demanda s’il était malade.

— Laisse-moi !… je m’habillerai seul, répondit brusquement Robert. Je te donne congé pour toute la soirée et quand tu rentreras, tu n’auras pas besoin de m’attendre.

Le groom disparut et son maître se laissa tom-