Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/285

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ber sur un fauteuil. Le coup qu’il venait de recevoir était rude, d’autant plus rude qu’il était imprévu. Jamais Bécherel n’avait eu l’ombre d’un soupçon sur l’honnêteté de Violette, ni sur la loyauté de M. de Mornac. Sa première pensée fut que l’accusation était absurde et que le dénonciateur anonyme était un misérable dont les calomnies ne méritaient que le mépris.

Mais, comme toujours en pareil cas, la réflexion vint. Robert se demanda, pour la première fois, comment le colonel, assez sceptique de sa nature, avait pu si subitement s’intéresser à Violette et prendre si chaleureusement son parti. Pourquoi ce viveur émérite, qui ne croyait pas à la vertu des femmes, se donnait-il tant de peine pour préparer le succès au théâtre d’une fillette qui ne l’occupait guère, alors qu’elle faisait son triste métier de demoiselle de compagnie chez une comtesse de contrebande ? Pourquoi, depuis que M. Cochard l’avait engagée, M. de Mornac s’abstenait-il de prêcher, comme autrefois, la sagesse à son jeune ami ? Pourquoi semblait-il, par son silence, l’encourager à se laisser aller au penchant qui l’entraînait vers Violette ? Pourquoi ne lui parlait-il plus d’un projet auquel il s’était associé d’abord, ce projet de voyage à la recherche des parents de l’orpheline ?

Ces questions et d’autres encore, Bécherel se les posait et n’y trouvait pas de réponse satisfaisante.

Il se disait aussi que le colonel voyait tous les jours Violette, au théâtre où il régnait en maître, en sa qualité de principal commanditaire du directeur ; que la familiarité des coulisses autorise bien des libertés, et que si la débutante réussissait, elle