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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/286

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devrait son triomphe à la protection de M. de Mornac, puisque, sans lui, elle n’aurait jamais obtenu même une audition.

La reconnaissance peut mener très loin une jeune fille inexpérimentée et le colonel avait tout ce qu’il fallait pour tirer profit de ce sentiment.

Robert se trouvait dans la situation d’un homme qui chemine tranquillement par un sentier fleuri et qui voit tout à coup s’ouvrir à ses pieds un précipice sans fond.

Il se sentait blessé au cœur, et il resta longtemps comme anéanti.

Heureusement, la réaction se fit peu à peu. Il se révolta contre sa faiblesse et il se reprocha de s’être laissé troubler par une indigne calomnie qui n’était qu’un mensonge grossier. Comment croire qu’un brave et loyal soldat avait pu s’abaisser jusqu’à tromper lâchement le fils de son ami, et qu’une enfant naïve et pure s’était salie par une basse trahison ? On peut s’illusionner sur la valeur morale d’un homme et sur la solidité de la vertu d’une femme, mais en ce monde imparfait, tout a des bornes, même la scélératesse, et ils sont rares les êtres capables de perfidies si noires.

— Les infâmes, murmura Bécherel, ce sont les auteurs de cette lettre. C’est à eux que je dois m’en prendre, et je les trouverai, car je sais où il faut les chercher.

La lettre en effet ne pouvait venir que d’un des ennemis de Violette, un de ceux qui complotaient sa perte. Ils étaient au moins trois : Herminie, Marcandier et Julia Pannetier, la chanteuse évincée. Robert soupçonnait surtout Herminie. La lettre sen-