Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/287

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tait la femme jalouse ; mais que cette épître abominable eût été rédigée ou non par Mlle Des Andrieux, Robert ne risquait guère de faire fausse route en tapant, comme on dit vulgairement, dans le tas.

— Ce soir, après la représentation, pensait-il, je montrerai cet odieux écrit à Violette, et demain je le montrerai à M. de Mornac. Je les aime et je les estime trop pour le leur cacher. Et quand ils l’auront vu, nous déciderons ensemble ce que nous devons faire pour en finir avec toute la bande.

Il la relut pourtant cette lettre maudite et il y remarqua un passage qui ne l’avait pas particulièrement frappé tout d’abord.

« Ce soir, le mauvais rôle sera pour vous. » Cette prédiction, assez obscure, terminait l’épître, comme une espèce de post-scriptum menaçant. À quoi s’appliquait-elle ? Bécherel, après avoir bien cherché, pensa que c’était tout simplement une allusion aux sifflets qui devaient assaillir la débutante.

L’explication ne le satisfit pas complètement, mais, faute d’en trouver une meilleure, il serra dans son portefeuille la lettre qu’il tenait à garder comme pièce de conviction, et il s’habilla.

En toute autre occasion, il serait allé en redingote aux Fantaisies-Lyriques, mais l’habit noir est de rigueur aux premières et il se mit en tenue de soirée.

Sa toilette achevée — elle lui avait pris du temps — il envoya Jeannic lui chercher une voiture découverte et il se fit conduire aux Champs-Élysées.

Il faisait très beau, les équipages encombraient l’avenue et Robert eut le déplaisir de croiser les dames de la rue du Rocher qui rentraient du