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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/293

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diction du colonel se vérifiait : Robert était jaloux de ses voisins de l’orchestre, et il se sentait tout disposé à épier la direction des sourires que Violette allait forcément adresser au public.

On frappa les trois coups. Les musiciens entamèrent une ouverture parsemée de jolis motifs, et la toile se leva sur un décor qui avait la prétention de représenter l’Île des Oiseaux.

Sous des verdures exotiques, au bord de la mer, siégeait, entouré de sa cour, sa majesté Vautour premier, roi de la nation emplumée. Le Grand-duc, chef de la puissante tribu des hiboux et premier ministre, attendait, prosterné devant le trône, les ordres de son maître.

La reine Pintade se rengorgeait, assise près de son auguste époux : des gardes figurés par des perroquets rouges et bleus et des demoiselles d’honneur figurées par des colombes entouraient ce couple royal.

Les costumes étaient originaux, les colombes étaient presque toutes gentilles et cette bizarre mise en scène fut accueillie par un murmure approbateur.

Bien entendu, la débutante n’était pas là ; on lui avait ménagé une entrée à effet, mais Robert savait qu’elle n’allait pas tarder à paraître et le cœur lui battait bien fort.

On peut croire qu’il n’écouta guère le roi Vautour, quand ce monarque ailé s’avança sur le devant de la scène pour expliquer à sa femme et à ses sujets la cause de ses chagrins. La musique de son palais venait d’être désorganisée par la fuite de la première chanteuse, une mésange légère qui s’était fait en-