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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/302

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— Que veux-tu chère amie, elle est très jolie et elle a du talent. Mlle Des Andrieux prétend le contraire, mais…

— Encore une qui nous lâche ! elle avait juré qu’elle ferait du bruit dans son avant-scène et elle ne bouge pas.

— Elle a raison. Toute la salle se lèverait contre elle.

— Alors, cette fille va réussir… tous les journaux demain chanteront ses louanges… et ils feront des comparaisons. Ils diront que Cochard a bien fait de me remplacer. Si c’est comme ça que tu me consoles, tu peux retourner d’où tu viens et je t’avertis que je ne rentrerai pas ce soir avec toi rue Mozart, car je ne resterai pas jusqu’à la fin. J’en ai assez d’entendre claquer des mains.

— Allons ! allons ! ne crie pas. Tu sais bien que je ne laisserai pas la débutante prendre ta place et que j’ai une dent contre Cochard. Pour faire tomber sa chanteuse et fermer son théâtre, j’emploierai, s’il le faut, les grands moyens…

— Quels moyens ? Comment t’y prendras-tu ?

— Je vais t’expliquer la chose. D’abord, je…

Robert n’entendit pas la fin de la phrase. Il avait pu jusqu’à ce moment suivre cet intéressant dialogue, parce que la foule le portait, pour ainsi dire, et le collait presque sur le couple qui marchait devant lui. Mais ils avaient fait du chemin peu à peu, ils étaient arrivés à l’endroit où l’escalier aboutit dans le corridor des premières et la foule se divisa en deux courants, l’un qui continua de circuler autour des loges, l’autre qui s’engouffra dans les profondeurs de l’escalier.