Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/310

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cet homme et comprit enfin qu’on venait de le mystifier. Dans quel but ? On était au mois de mars. Cette farce n’était donc pas un poisson d’avril et elle passait les bornes. Bécherel ne pouvait guère l’attribuer au colonel. Il ne connaissait pas son écriture ou, s’il l’avait vue autrefois, il ne se la rappelait pas assez pour être sûr que ce billet au crayon était de lui. Et d’ailleurs, le colonel était un parfait gentleman qui ne se serait pas permis de plaisanter de la sorte et surtout de mettre en scène Mme de Bécherel qu’il respectait profondément.

À force de chercher, Robert eut l’idée que c’était son ci-devant ami Gustave Pitou qui lui avait joué ce méchant tour. Gustave savait que Mme de Bécherel devait venir à Paris, et Gustave était très capable de se permettre une de ces mauvaises charges que se font volontiers entre eux les boursiers. Celle-là était à seule fin de décider Bécherel à sortir en pleine représentation, d’exciter contre lui la colère du public et en même temps de troubler la débutante qui justement se trouvait en scène à ce moment-là.

C’était le cas ou jamais d’en finir avec ce polisson.

Robert, exaspéré, se jura de le gifler à la première occasion, et, comme elle pouvait se présenter le soir même, au théâtre, il y courut, c’est-à-dire qu’il remonta dans son fiacre et qu’il se fit ramener à fond de train aux Fantaisies Lyriques, sans s’inquiéter de la mine que faisait son portier, qui le soupçonnait évidemment d’avoir perdu l’esprit.

— À quelque chose malheur est bon, se dit Bécherel ; je ne manquerai pas le troisième acte et ma