Aller au contenu

Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est d’abord qu’un murmure sourd, un frémissement qui court de rang en rang et de loge en loge. L’entrée de quelques retardataires fait encore diversion. Les spectateurs mondains se contentent d’exprimer à demi voix leur mécontentement ; d’autres, aux fauteuils d’orchestres, commencent à frapper le plancher du bout de leurs cannes, et ceux des troisièmes galeries les accompagnent en frappant du pied. Puis les braillards s’en mêlent. On crie : la toile ! doucement d’abord, presque timidement ; mais le tapage va crescendo et bientôt, c’est un chœur formidable qui réclame le lever du rideau.

D’ordinaire, ce vacarme est assez innocent, et on sait bien qu’il va cesser dès qu’on entendra les trois coups du régisseur. Mais il ne faut pas que l’attente se prolonge par trop, car si elle dépasse les bornes permises, le public s’exaspère.

Et on en était au moment psychologique où les gens bien élevés s’irritent et où ceux qui ne le sont pas se mettent à imiter le chant du coq ou à contrefaire les cris d’une foule d’autres animaux.

Robert, tout étonné de ce tumulte, ne devinait pas pourquoi on tardait tant à commencer le troisième acte et soupçonnait qu’un accident de mise en scène devait être la cause du retard ; par exemple, un décor mal planté qu’il avait fallu remettre en place.

Assurément, il se passait derrière le rideau quelque chose d’insolite, car les musiciens étaient tous à leur pupitre, n’attendant, pour entamer un ensemble, que le coup d’archet de leur chef qui ne le donnait pas.