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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/315

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Les Parisiens prennent mal ces sortes de plaisanteries et si la salle des Fantaisies Lyriques ne fut pas, ce soir-là, démolie de fond en comble, c’est que le Dieu qui règle les destinées des directeurs fit un miracle en faveur de Cochard. On se rua, les uns pour sortir, les autres pour envahir l’orchestre des musiciens qui avaient jugé prudent de déguerpir par les dessous. Les plus enragés parlaient d’escalader la scène et de mettre à sac les décors et les costumes. Les gardes de service eurent fort à faire pour arrêter le désordre et pour empêcher les accidents pendant que le public évacuait tumultueusement la salle.

Robert, lui, n’avait pensé qu’à Violette disparue. Quel vertige s’était emparé d’elle ? Avait-elle pris peur ou perdu la raison ? Et surtout, qu’était-elle devenue ? Robert devait tout craindre : un suicide, un guet-apens. Sa première pensée fut de courir au secours de celle qu’il aimait. Il ne se dit pas qu’il arriverait trop tard. Il se précipita vers la porte, en sautant par-dessus les fauteuils, réussit, en échangeant force horions, à gagner le corridor et de là, brochant à travers la foule, comme un sanglier à travers un taillis, il arriva sur le boulevard, sans paletot, mais non pas sans contusions.

Il ne s’y arrêta point à écouter ce qu’on disait dans les groupes. Il savait où était l’entrée des artistes et il y courut en faisant le tour par une rue noire.

À la porte de l’allée qui aboutit à l’escalier intérieur du théâtre, il tomba au milieu d’un rassemblement de figurants et de machinistes qui se répandaient en imprécations contre l’artiste dont la fuite les mettait sur le pavé. Il se fit faire place