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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/386

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— C’est bien, monsieur, ce que vous faites là, dit le colonel, surpris et touché. Vous ne comptez pas la revoir ?

— La revoir ? Non ; je la gênerais.

— Elle est là dans le jardin.

— Alors, je puis bien la regarder encore une fois.

Il la regarda, de loin, à travers les vitres, et M. de Mornac qui l’observait, vit de grosses larmes rouler sur ses joues basanées.

L’émotion transfigurait le vieux forban et le colonel s’apercevait qu’il avait dû être très beau et ressembler à sa fille, autrefois.

— Elle m’aurait aimé celle-là, murmura Morgan. J’ai manqué ma vie… et il est trop tard pour la recommencer.

Adieu, monsieur, reprit-il, en se redressant. Je ne vous en veux pas. Vous m’avez rendu service et je compte sur vous pour empêcher que le bruit de cette affaire ne se répande. Marcandier ne m’intéresse pas, et si vous le livrez à la justice, vous serez dans votre droit. Mais je crois qu’il vaut mieux l’inviter à aller se faire pendre ailleurs…

— C’est aussi mon avis et je…

— Dites à ma fille que je la supplie de me pardonner et de prier Dieu pour moi.

Sur cette conclusion, Morgan disparut derrière le rideau de soie et le colonel n’osa pas le suivre, quoiqu’il entrevît la possibilité d’un dénouement tragique.

Il serra l’enveloppe dans sa poche et il regagna l’escalier.

Il n’avait pas descendu trois marches qu’il entendit un coup de pistolet.