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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/50

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tinguées et son esprit aimable avaient fait de lui le point de mire de toutes les héritières, en dépit de la médiocrité de sa fortune, largement ébréchée par l’auteur de ses jours. On lui pardonnait tout : son goût prononcé pour le jeu et même ses conquêtes en dehors de la haute société Rennaise où il avait ses grandes entrées.

Il n’aurait donc tenu qu’à lui de se marier brillamment dans son pays. Sa mère le désirait beaucoup et il adorait sa mère. Mais il s’était blasé assez vite sur ces succès de province et, un beau jour, il s’était mis en tête d’aller chercher une situation à Paris.

Un ancien ami de son père, M. Labitte, chef d’une importante maison de banque, avait offert de le prendre pour secrétaire particulier. Mme de Bécherel s’était résignée à se séparer de son fils qui, dans sa ville natale, ne faisait rien de bon. Et, depuis un an qu’il l’avait quittée, elle n’avait pas encore eu à regretter son départ.

Robert avait pris goût à ses nouvelles fonctions et les remplissait avec zèle exemplaire.

De plus, il s’était défait d’une certaine pointe de vanité départementale qui n’aurait pas été de mise dans le monde parisien, où on n’accepte les gens que pour leur valeur personnelle.

Il y vivait sagement, sans rigorisme outré. Sa distinction native le préservait des entraînements vulgaires, et, au milieu de ce pêle-mêle de Paris où tous les rangs sont confondus, il se gouvernait en fils de famille qui se respecte.

Sa sagesse, à vrai dire, ne tenait qu’à un fil et son avenir dépendait du hasard d’une première liaison, car il n’avait pas de parti pris.