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Page:Boisgobey - Rubis sur l'ongle, 1886.djvu/51

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Aussi s’était-il laissé mener par un ancien camarade dans ce salon de médiocre aloi où il venait de voir et d’apprendre tant de choses bizarres et de perdre dix mille francs qui ne lui appartenaient pas.

Il était rentré chez lui à deux heures du matin, et il avait fort peu dormi, préoccupé qu’il était, des sottises qu’il avait faites chez la soi-disant comtesse de Malvoisine.

Et cependant sa perte de jeu ne le tourmentait pas outre mesure. Il se croyait assuré de trouver à emprunter, le matin même, la somme qui lui manquait et il lui était à peu près indifférent de payer des intérêts usuraires.

Le côté blâmable de la faute qu’il avait commise, en disposant de l’argent de M. Labitte, ne frappait pas beaucoup son esprit et on l’aurait étonné en lui disant que c’était tout bonnement un abus de confiance. À ses yeux, l’important c’était de rendre cet argent, et s’il était trouvé dans l’impossibilité de le restituer immédiatement, il n’aurait éprouvé aucun embarras à confesser ses torts à son patron.

Le côté moral de l’acte lui échappait.

Et, contraste bizarre, il se reprochait amèrement de s’être mis dans le cas d’affliger sa mère qui ne manquerait pas d’apprendre plus tard que son fils hypothéquait ses terres pour rembourser un usurier.

Ainsi était fait ce garçon que la nature avait doué d’excellentes qualités, gâtées plus tard par l’exemple d’un père dévoyé et par trop grande indulgence d’une mère angélique.