Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 7 )

germes des défauts qui ſe développerent ſucceſſivement en moi.

On avoit décoré du titre de ma gouvernante, une fille à qui Madame de Tournemont n’avoit pas jugé la capacité néceſſaire pour la ſervir : j’appris d’elle à n’articuler des mots, que d’après les idées des autres, à déguiſer ſoigneuſement les miennes, à ne conſidérer tous les objets que dans un faux jour. Du reſte, j’eus des maîtres ; j’acquis des talents agréables ; on orna mon eſprit ſans le former, & mon cœur demeura vuide de principes.

Mes progrès furent ſi rapides, qu’à onze ans je paſſois pour un prodige ; … ſifflée, dreſſée, montée à reſſorts, on me produiſoit dans un monde qui m’admiroit, & où je m’admirois encore bien davantage.

Ce triomphe de ma vanité me ſuffit pendant quelque temps : bientôt je m’apperçus qu’il étoit incomplet. Dès mes premières années, j’avois conçu des notions de l’amour. On dit tout devant les enfants, & les enfants ne perdent rien. Divers propos, ſur ce chapitre, avoient fait trace dans ma mémoire ; l’exemple de Madame de Tournemont les fit paſſer juſqu’à mon ame.

Une mere inſpire naturellement à ſa fille un goût d’imitation ; je pris la mienne pour modele, dès que je fus en âge de faire des