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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/136

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nerent un déplacement ; nous nous trouvâmes aſſis l’un près de l’autre, & le Comte en face de nous.

Dans cette poſition je fus en butte à toutes les petites agaceries qui décèlent l’intime familiarité : elles me mirent à la torture. Je ne ſavois comment il falloit les recevoir : cela dépendoit des ſentiments de Rozane, qui ne m’étoient pas connus. S’il ne m’aimoit plus, ma vanité pouvoit trouver ſon compte aux empreſſements du Baron ; s’il m’aimoit encore, c’étoit une barbarie dont je ne devois pas me rendre complice. Tourmentée par cette incertitude, je laiſſai voir une contrainte, une gaucherie, une maladreſſe ridicules.

Cette ſcene devint inſupportable au Comte : il jetta ſur Murville un coup d’œil… dont l’expreſſion n’étoit pas équivoque, & ſortit, prétextant le déſordre de ſa toilette, auquel il vouloit remédier. Son émotion ne m’échappa point, & je crus l’énigme expliquée. Rozane aimoit, Rozane étoit jaloux, donc ſon état exigeoit les plus grands égards… Malheureuſement mon mari n’étoit pas de moitié dans cette concluſion.

Le Comte ne reparut que vers l’heure du ſouper. Un cercle nombreux tint en reſpect ſa jalouſie, & non l’affectation de Murville à me lutiner. Outrée d’une malignité