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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/63

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Ma mere ſortit un matin aſſez myſtérieuſement, avant même que je fuſſe avertie de ſon réveil. Au retour, ſon air étoit ſi froid, ſi ſévere, que j’en tremblai en l’abordant… Elle me repouſſa… m’ordonna de la laiſſer ſeule… me fit dire, un quart-d’heure après, qu’elle ne dîneroit point chez elle ; mais qu’elle viendroit me prendre vers le ſoir, pour aller au Couvent de ma ſœur. C’étoit ce qu’on pouvoit m’annoncer de plus agréable, particuliérement ce jour-là, où Meſſieurs de Rozane étoient abſents.

Vingt fois j’avois gémi avec Mademoiſelle d’Aulnai ſur l’indifférence du Comte, & n’avois pas encore eu l’occaſion de lui apprendre ſon amour : j’allois l’en inſtruire. Madame de Rozane, qui ne reſtoit pas volontiers à la grille, me laiſſeroit tout le temps néceſſaire pour parler de ce que j’aimois… Que de plaiſirs je me promettois dans cette confidence !… juſqu’à l’arrivée de ma mere, je ne m’occupai qu’à recueillir ce que j’avois à raconter.

En deſcendant au Couvent, elle demanda la Supérieure, & paſſa pour la voir dans un autre parloir. Je profitai de ſon abſence avec empreſſement… Ma ſœur partageoit mes tranſports… Nous étions dans la chaleur de la plus intéreſſante converſation, lorſque ma mere entra d’un côté du parloir, & la Su-