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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/116

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tendante, il s’étoit attaché à ſon char, ou plutôt l’avoit traînée au ſien, avec une impudence, un fracas révoltant. Que M. d’Archenes, mari d’ailleurs aſſez commode, s’étoit cru obligé, pour l’honneur de ſa place, d’arrêter une telle licence ; mais qu’également ennuyés de cette contrainte, ils étoient venus à Paris, où, ſous l’ombre de la parenté, ils logeoient & vivoient enſemble ouvertement.

De quelle bizarrerie notre cœur n’eſt-il pas capable ? Je n’aimois point Cardonne, il devoit m’être égal qu’il fût l’amant de l’Intendante ou de toute autre ; cependant leur hiſtoire me troubla, me rendit rêveuſe… J’en fus piquée, comme ſi Cardonne avoit dû haïr tout ce que je haïſſois… Mais, s’il étoit amoureux de Madame d’Archenes, que ſignifioient donc ces regards, cet empreſſement, ce ſoupir ?… Ma vue auroit-elle fait ſubitement un infidele ? Pourquoi non ? J’avois aſſez bonne opinion de moi pour le croire, aſſez de malice pour le deſirer. Quelle félicité d’enlever un amant à mon ennemie, pour le lui renvoyer accablé de mes rigueurs & de mon mépris ! Cette idée me ſéduiſit au point de m’en cacher les inconvénients. Je ſouhaitai les occaſions de revoir Cardonne, & j’eus lieu de penſer qu’il formoit les mêmes vœux. Aux