Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/120

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faute ! J’eſpere que vous vous retrancherez juſqu’aux occaſions de la répéter, en ne recevant plus Cardonne. En ne le recevant plus ! m’écriai-je… Comte, ſongez-vous bien à ce que vous me demandez ? J’ai mal fait en l’admettant chez moi, puiſqu’il vous déplaît ; mais de quel prétexte voudriez-vous que je me ſerviſſe pour l’en éloigner ? — Des prétextes ! vous n’en avez pas beſoin, il ſuffira de le conſigner à votre porte. Le procédé me parut trop dur… je repliquai, je conteſtai, l’aigreur s’en mêla, au moins de ma part… Rozane tint ferme ſans élever le ton… Son viſage avoit une ſévérité impoſante, que je ne lui avois pas encore vue : il m’intimida… Je me rendis, mais avec une répugnance qui me coûta des larmes, dès que je n’eus plus mon mari pour témoin.

Renoncer à Cardonne ! le bannir ſans lui dire pourquoi ! ce ſacrifice abſolu étoit au-deſſus de mes forces. Je me réſervai, ſecrétement, le droit d’expliquer les raiſons qui m’obligeoient d’en agir ainſi. Ma lettre fut celle d’une femme contrariée dans ſes penchants ; la réponſe, celle d’un homme vain, emporté, capable de ne rien ménager pour ſe ſatisfaire. Il ne me rendroit plus de viſites, diſoit-il, puiſque j’avois la foibleſſe d’obéir à des volontés injuſtes ; mais il alloit