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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/133

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éloignés. Toujours à genoux, je me tordois les bras, je les élevois au ciel, & me jettois auſſi-tôt le viſage contre terre, comme ſi j’euſſe fait une témérité en implorant ſon ſecours… Je ne pleurois plus, je rugiſſois… J’éprouvois ce ſentiment d’horreur, qu’inſpirent un abandon général, & la ſolitude abſolue.

Ces tranſports un peu calmés, je me remis au lit ; je défendis ma porte ; je redoutois juſqu’à la vue de mes domeſtiques : chacun d’eux me paroiſſoit un cenſeur qui me reprochoit mes fautes, & me redemandoit l’excellent maître dont je l’avois privé.

Une ſeconde lecture de ſa lettre diſſipa les horribles inquiétudes que j’avois conçues pour ſa vie, & me fit éprouver un ſupplice d’un autre genre. Touchée, pénétrée de ſa modération, mes prétendus ſujets de plaintes contre lui diſparurent ; toutes ſes qualités reprirent leur éclat, toute ma tendreſſe ſe ranima pour me déchirer de regret.

Que cet état étoit différent de ceux où je m’étois trouvée auparavant ! Je n’avois jamais connu cet affreux délaiſſement des perſonnes capables de me protéger. L’amour de Rozane au moins, m’avoit toujours offert une reſſource. Du milieu des tempêtes, je me ſauvois dans ſon cœur,