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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/134

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comme dans un port aſſuré… Foibles créatures que nous ſommes ! nous plaçons, ſans nous en appercevoir, un amant entre nos plus ſolides appuis. La certitude d’être aimée, communique à notre ame un reſſort qui ſe détend, lorſque nous ne le ſommes plus : delà, peut-être, ce découragement, cet ennui, ce dégoût de nous-mêmes, & ce beſoin preſſant de réparer nos pertes, qui nous attirent tant de reproches.

Quoi qu’il en ſoit, je me pénétrai ſi bien de la mienne, que je paſſai pluſieurs heures à m’en déſoler, ſans y chercher du remede.

Les raiſonnements eurent leur tour : ils parvinrent à me perſuader que mes affaires n’étoient rien moins que déſeſpérées. Le Comte me croyoit ſûrement plus coupable que je ne l’étois ; je pouvois le détromper, établir même ſi bien ma juſtification, qu’il n’imaginât pas me faire une grace, en revenant à moi. Ainſi ma vanité avoit toujours un coin de réſerve, d’où elle n’agiſſoit que pour tout gâter.

La difficulté d’entrer en négociation me parut la ſeule que j’euſſe à ſurmonter ; mais elle étoit grande. Ecrire à Rozane ? Il étoit douteux qu’il lût mes lettres, qu’il y répondît : le ſuivre ? m’expoſer à être humiliée, repouſſée. Je l’aurois hazardé dans le premier inſtant, lorſque mon imagination, frap-