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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/144

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tement auprès de ſon éloge, produiſirent dans une ame douce & compatiſſante, l’effet que je m’en étois promis. Mademoiſelle des Salles écrivit, revint pluſieurs fois à la charge, & très-inutilement. Le Comte répondoit à toutes ſes lettres, mais pas un mot ſur l’article qui les rempliſſoit preſqu’entiérement… Sa fille ſembloit être l’objet unique de ſes ſollicitudes.

Nous imaginâmes que j’avancerois plus en écrivant moi-même, & je ne ſais pourquoi nous l’imaginions, puiſque dans la lettre que le Marquis m’avoit communiquée, Rozane le prioit de me dire qu’il ne recevroit plus les miennes… A tout hazard j’écrivis… Mon épître fut renvoyée ſans avoir été ouverte.

Le ſilence du Comte m’avoit piquée ; le renvoi de ma lettre m’irrita à l’excès. Je ne vis plus en lui, dans ma colere, qu’un miſanthrope implacable, par caractere & par ſyſtême. Je me dis que j’étois une dupe de ſacrifier ma jeuneſſe, ma beauté, tous les agréments de la vie, juſqu’aux douceurs de la ſociété, pour un homme dur, inſenſible, qui ne m’en tenoit aucun compte.

J’ajoutai que, puiſque je me morfondois à pure perte, dans une ennuyeuſe ſolitude, il falloit la quitter, me rendre au monde, au plaiſir ; & du projet à l’exé-