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tes ; & quoiqu’on n’eût pu tirer qu’une copie imparfaite du portrait de Rozane, il étoit cependant très-reconnoiſſable.

J’envoyai ce tableau en poſte, avec ordre de le placer devant le lit du Comte ; j’y joignis une lettre, ou plutôt un mémoire juſtificatif, & les renſeignements néceſſaires, pour qu’il fût mis à propos ſous les yeux du Juge que je voulois fléchir.

Mon projet me parut excellent ; mais pour qu’il eût ſon exécution, il falloit que Rozane allât s’établir chez lui : ce fut préciſément ce qui n’arriva pas. Le Marquis étant mort le treizième jour, ſon fils ne s’occupa point à diſcuter d’intérêt avec ma mere ; il ne prit que le temps de ſe nommer un Procureur, & partit.

Déſeſpérée de ce dénouement, le cœur oppreſſé, la tête en déſordre, j’écrivis à Madame de Rozane ſur la mort de ſon mari, & parlai du mien avec une incroyable chaleur de ſentiment. Je racontois tout ce que j’avois eſſayé pour me réunir avec lui… J’épanchois ma douleur comme avec une amie, quoique je ne me flattaſſe pas même d’une réponſe… Ce n’étoit point confiance, c’étoit beſoin de me plaindre, & rien de plus… Je ſus que ma mere ſe rendoit inacceſſible à tout le monde ; qu’on en attribuoit la cauſe aux ravages de la petite