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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/158

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rendu d’un côté, ce que je retranchois de l’autre ; mais c’étoit mon chef-d’œuvre ; maiſon agréable, ſociétés aſſorties, aiſance, sûreté dans le commerce… Je ſavois ſubſtituer la généroſité aux faveurs ; payer les hommages par des ſervices, & répandre ſur tout cela, ce charme que je tirois des dons brillants de la nature… Quel empire !… J’en croyois les fondements inébranlables… Rien du moins ne m’en avoit annoncé la décadence, lorſque la petite vérole, & la diminution de ma fortune, en ont détruit les deux plus fermes ſoutiens.

Il faut bien des choſes pour ſuppléer à la beauté, quand elle nous a été refuſée ; il en faut bien plus encore pour la remplacer, quand nous l’avons perdue, & que nous voulons continuer un grand rôle. Que d’obſtacles alors nous avons à ſurmonter ! des rivales jalouſes, des amants mécontents, un Public malin s’élevent contre nous, épluchent, diſcutent en critique nos qualités les plus réelles : c’eſt l’inſtant des petites vengeances ; c’eſt celui qui diſſipe le preſtige dont nous recevions notre luſtre. Il eſt venu cet inſtant fatal que je croyois fort éloigné ; il a interrompu mes triomphes, il m’a pris au dépourvu de tout… Que pouvois-je de mieux, que de faire promptement retraite ? J’y trouve le double avantage de ſauver le