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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/163

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duites aſſez près du Comte, derriere une petite élévation : delà, ſans voir & ſans être vue, je pouvois aiſément tout entendre. Ma fille partit, avança vers ſon pere, n’en étoit qu’à dix pas, quand un chien vint audevant d’elle, en aboyant de toute ſa force. La petite s’effraya, pouſſa des cris, tendit les bras du côté où elle m’avoit laiſſée… Rozane tournant la tête, crut rencontrer une aventure de féerie, en voyant, dans un lieu écarté du grand chemin, & de toute habitation opulente, un enfant éblouiſſant de ſa propre beauté, & de diamants dont le ſoleil redoubloit l’éclat. Il ſe leva pour retenir ſon chien, au moment même où, frémiſſant du danger de ma fille, je quittois mon poſte pour voler à ſon ſecours. A mon aſpect, le Comte devina tout… Il recula… Ses yeux ſe troublerent, ſa main chercha inutilement l’appui d’un arbre… Il tomba ſans que nous puſſions être à temps de prévenir ſa chûte.

Nous courûmes… Mademoiſelle des Salles s’empreſſa de le rappeller à lui. Quant à moi, je ne faiſois qu’ajouter à l’embarras. Preſqu’auſſi défaillante que mon mari, j’étois à terre, & baiſois une de ſes mains, avec les démonſtrations d’une douleur immodérée. Ma fille crioit, m’appelloit, me tiroit par ma robe, pour m’éloigner d’un