Aller au contenu

Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 83 )

diſoit Rozane ; mais vous ſentez, comme moi, leur inutilité, vous en convenez tacitement, & vous voulez que je me livre au déſagrément des ſuites qu’elles entraînent ! Non, Monſieur, je laiſſerai agir la nature : elle rétablira d’elle-même ce que vous prétendez être détruit en moi, ſinon j’en ſubirai courageuſement l’arrêt, & ne bataillerai point pour en obtenir quelques miſérables jours de plus.

Eh ! tu comptes pour rien le déſeſpoir de ta femme ! m’écriai-je, en ouvrant bruſquement la porte ; tu verras, ſans t’émouvoir, le déchirement de ſon cœur… Barbare ! as-tu donc un droit excluſif ſur ta vie ! N’eſt-elle pas à moi ? N’eſt-elle pas à ta fille ? Eſt-ce un pere ? eſt-ce un mari qui refuſe ainſi de travailler à ſa conſervation ? J’embraſſois étroitement le Comte, & n’entendois pas le Médecin, qui me remontroit à quel point ce tranſport pouvoit être dangereux au malade. A force de me le répéter, il me fit ſouvenir qu’il étoit là ; auſſi-tôt je quittai Rozane, & me tournant vers lui : Par pitié, lui dis-je, ne nous abandonnez pas, il n’eſt pas vrai qu’à ſon âge, on ſoit ſans reſſource… Monſieur, il faut le ſervir malgré lui… Il faut me le rendre, ou… nous faire mourir enſemble… Je le veux, je le dois… Si vous ſaviez… Rozane