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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/189

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s’enſuivirent. On craignit pour ma vie, pour ma tête ; ce ne fut qu’en affoibliſſant mon corps, ſans ménagement, qu’on parvint à me rendre l’une & l’autre.

La fin de ces accès fut comme celle d’un de ces rêves qui laiſſent dans l’ame une impreſſion de triſteſſe, quoique la mémoire n’en conſerve pas nettement les circonſtances. Etonnée de me voir dans mon lit, les bras, les jambes entortillés de bandes ; de me trouver foible, ſouffrante, ſans ſavoir pourquoi, ni comment, je le demandai à une de mes femmes, qui étoit alors ſeule dans ma chambre. Mes queſtions, qui ſuppoſoient ou l’ignorance ou l’oubli de mon malheur, devoient, ce ſemble, la faire héſiter ſur ſes réponſes ; point du tout, ſoit ſottiſe, ſoit malice, elle entama librement ſon récit, en le prenant à la mort du Comte, dont elle me parla ſans tournure.

Une telle indiſcrétion pouvoit me faire retomber dans l’état d’où je ſortois : elle m’atterra… Je ne pus que faire ſigne à l’imprudente créature de ſe retirer.

Mademoiſelle des Salles, informée de cette aventure, & craignant pour ſes ſuites, vint me prodiguer les remontrances, les exhortations… Ses paroles ne frappoient que l’air. Les yeux fixés au ciel, je reſtois dans la parfaite immobilité d’une ſtatue.