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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/190

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Perſuadée qu’il falloit quelque choſe de plus fort pour me tirer de cette inertie, elle fit appeller ma fille, qu’elle mit dans mes bras, ou plutôt me mit dans les ſiens. Cette action, les douces careſſes de l’enfant, les noms tendres qu’elle m’adreſſoit, produiſirent leur effet… Je recouvrai l’uſage des pleurs, celui de la voix, & fus, dès cet inſtant, délivrée de tout danger.

Auſſi-tôt que mes forces me le permirent, je ſaiſis un moment où j’étois ſeule pour ſatisfaire une de ces fantaiſies qu’inſpirent quelquefois l’amour & la douleur : c’étoit de voir la chambre, la place où j’avois dit au Comte le dernier adieu, où il avoit rendu le dernier ſoupir. L’appartement étoit fermé, cet obſtacle m’affligea ſenſiblement ; je balançois ſi je devois me faire ouvrir, ou renoncer à la triſte conſolation que je m’étois promiſe ; l’arrivée de Mademoiſelle des Salles & de ma fille termina ces irréſolutions. Nous entrâmes dans le jardin, où mon amie nous laiſſa pour des affaires qui l’appelloient ailleurs.

Diſtraite, préoccupée, je continuai ma promenade, & j’enfilai, ſans attention, l’allée qui ſe préſentoit devant moi : elle conduiſoit directement à l’Egliſe, dont la porte ouverte, me laiſſa voir, d’aſſez loin, la triſte décoration… Mon premier mouvement fut